Formes de vie – Benoît Smith – Catalogue de l’exposition « Gore Fantasy »


Formes de vie…

« Viscéral » et « transgressif » sont peut-être les meilleurs adjectifs par lesquels on pourrait, si on le souhaitait, résumer le travail polymorphe d’Ophélia H. où dominent le rouge sang et les contours organiques choquants. En deux ou en trois dimensions, par le dessin, le collage ou le relief, les hybridations osées par l’artiste posent les pièces d’un univers morbide où les formes et les matériaux d’origine semblent corrompus, rongés, écorchés voire retournés comme un gant sous les teintes rougeâtres, les tracés de veines, les coulées d’humeurs grumeleuses, les fragments humains et animaux.

Particulièrement prégnant dans les sculptures et surtout les boîtes – celles propres à contenir des microcosmes au sein de cet univers, le résultat offre, au-delà de son caractère horrifique évoquant le cinéma « gore », un paradoxe tout à fait fascinant: la répétition d’une confrontation violente entre l’inanimé et le vivant. C’est-à-dire que si dans aucune des œuvres on ne peut complètement ignorer la nature inorganique de sa matière (traits de dessins, petites pièces de maisons de poupées assemblées, feuilles mortes, affiches et photographies collées ensemble etc), la signature du sang et des formes charnelles infuse de force à cette dernière une palpitation vivante, expressive jusqu’à l’impudeur. Vu dans son ensemble, l’œuvre d’Ophélia H. évoque une unique et immense maison de poupée déchirée de l’intérieur par une furieuse et chaotique forme de vie – la Vie, peut-être.

Benoît Smith*, texte tiré du catalogue de l’exposition « Gore Fantasy »


* Benoît Smith est auteur et collaborateur pour la revue de cinéma Critikat.